vendredi 27 décembre 2013

La Table du Roy (1)

Il a suffi d'un incendie vite circonscrit
&
Il a suffi d'un chemin déblayé
&
En zone privée pour des chasseurs
&
Un lieu mythique, où quelques monarques, sur le promontoire,
observaient le cours de leurs chasses

mercredi 31 juillet 2013

saint Antoine & Dieu, Chistian GANACHAUD

« Mais qui suis-je, sinon un homme banal, ayant perdu la tête peut-être pour le sauver de la folie meurtrière du monde, on se tuait au nom de Dieu, les plus croyants se révélaient assassins, les incroyants des criminels, je n’ai jamais cherché à imposer une vérité, j’ai seulement cherché la mienne, dans la solitude ; je ne me suis pas revêtu d’une croyance comme d’un manteau trop  lourd ou d’un pet-en-l’air trop étroit, non je me suis dénudé jusqu’à l’os, m’enfonçant toujours plus en moi, dans l’espace vierge de l’âme. »
 
Christian Ganachaud, Le roman de saint Antoine, Ed. Presses de la Renaissance, Paris, 2004, p. 16.

 

mercredi 12 juin 2013

Philippe RAYNAUD : "De la démocratie aux droits de l'homme, en passant par le totalitarisme" (Le Monde, 8.X.2010)


De la démocratie aux droits de l'homme,
en passant par le totalitarisme

Par Philippe Raynaud

 (In : Le Monde, 8 octobre 2010)

 
 
 Dans la philosophie française, Claude Lefort occupait une position singulière, que l'on ne peut pas comprendre si l'on méconnaît l'originalité de son itinéraire politique. Il fut un des rares philosophes français à faire de la politique le thème central de son œuvre philosophique, sans pour autant accepter la vision agonistique de la philosophie qui triompha dans les années 1970. Il fut aussi, et surtout, un des très rares intellectuels français fidèles à la "gauche" à n'avoir jamais eu de sympathie pour la vulgate "progressiste" qui domina en France à partir de l'après-guerre.

 Claude Lefort fut, avec Cornelius Castoriadis, un des fondateurs du groupe Socialisme ou barbarie, né d'une scission dans le mouvement trotskiste français ; or si ce groupe s'est voulu révolutionnaire, il n'est jamais tombé dans l'illusion chère aux gauchismes des années 1970, selon laquelle le Parti communiste serait devenu un parti "réformiste", qu'il aurait fallu rappeler à ses devoirs en le poussant à accomplir malgré lui une révolution qu'il aurait abandonnée.

 Castoriadis et ses amis ont rompu avec l'orthodoxie trotskiste parce qu'ils voyaient dans l'Union soviétique un régime social et politique nouveau, qui n'avait plus rien d'un "Etat ouvrier", et qui n'était défendu par les partis communistes que parce que ceux-ci aspiraient eux-mêmes à instaurer des régimes de même nature. Castoriadis avait immédiatement compris que la reconnaissance du caractère totalitaire de l'Union soviétique entraînait nécessairement l'abandon de la totalité du marxisme, mais il a dirigé sa pensée vers une redéfinition du projet révolutionnaire que Lefort lui-même a fini par abandonner pour devenir le philosophe de la démocratie, dont il s'est efforcé de penser la nouveauté radicale, sans reculer devant la question de sa relation avec les expériences totalitaires du XXe siècle.

 De ce point de vue, si l'on veut se faire une idée de la politique de Lefort, il faut lire en priorité, outre L'Invention démocratique (Fayard, 1981), l'imposant recueil Le Temps présent, qui rassemble ses écrits politiques publiés de 1945 à 2005 (Belin, 2007). On pourra y admirer la sûreté du coup d'œil qui l'a conduit à éviter la plupart des erreurs dans lesquelles tombaient ses contemporains les plus prestigieux.

 Critique acerbe du Sartre "progressiste" qui publia en 1952 dans Les Temps modernes "Les communistes et la paix", il fut un des meilleurs analystes de l'insurrection hongroise de 1956 qui fut, en fait, la seule expérience révolutionnaire qu'il ait vraiment soutenue ; militant pour l'indépendance algérienne, il n'a jamais eu d'illusion sur le FLN et il a très vite compris le rôle qu'allait jouer de Gaulle dans la fin de la guerre d'Algérie et dans la modernisation de la société française ; il a soutenu Mai 68 sans s'illusionner sur les vertus des microbureaucraties gauchistes, il a été un des premiers à comprendre la portée du combat des dissidents soviétiques et de l'œuvre de Soljenitsyne et, à la veille de l'arrivée de François Mitterrand au pouvoir, il analysait très bien la permanence, dans l'union de la gauche, des illusions du progressisme procommuniste.

 L'œuvre philosophique de Claude Lefort est centrée sur l'opposition démocratie/totalitarisme, qu'il a renouvelée grâce à une vision originale de la démocratie, née d'une rencontre inattendue entre l'héritage de la phénoménologie et la pensée de Machiavel.

 De Merleau-Ponty (et, sans doute, d'Heidegger), Lefort a appris à se défier à la fois de la métaphysique rationaliste moderne et de l'illusion d'une saisie immédiate du sens des choses humaines.

 De Machiavel, il a gardé l'idée que toutes les sociétés s'organisent autour d'une polarité entre les "grands" et le "peuple", qui n'a pas en lui-même le pouvoir de surmonter cette division mais qui n'en est pas moins à la source de la liberté, parce qu'il se définit, négativement, par le désir de n'être pas opprimé.

 De là la thèse centrale de Lefort : si la "division originaire" du social est en elle-même insurmontable, la démocratie moderne n'en représente pas moins une expérience radicalement nouvelle, dans la mesure même où elle accueille cette division, et où elle produit du droit dans un contexte marqué par la "dissolution des repères de la certitude".

 Enfin, sur les ruines de la première figure moderne de l'Etat et de la souveraineté royale, la démocratie crée un monde pluriel marqué par l'expérience d'une indétermination fondamentale ; elle fait ainsi du pouvoir un "lieu vide" qu'aucune force ne peut définitivement s'approprier.

 Dans ce contexte, le totalitarisme, qui se présente volontiers comme l'accomplissement de la démocratie, apparaît en fait comme sa négation radicale, puisqu'il prétend créer enfin un peuple "Un", sous l'égide d'un pouvoir qui est censé représenter directement la société, et c'est ce qui explique l'intransigeance de Claude Lefort devant tout ce qui, dans les traditions révolutionnaires, allait dans le sens des fantasmes de l'unité ou de la transparence.

 C'est aussi cela qui l'a conduit, dans un article célèbre, à réhabiliter la problématique des droits de l'homme, dont il fut le premier à donner une version que l'on peut dire à la fois "libérale" et "radicale". Contre Marx, Lefort défend la liberté et l'égalité "formelles", en montrant que, loin de renvoyer à des individus égoïstes et "atomisés" par la propriété et par les mécanismes du marché, ces droits ont d'emblée une dimension politique, comme le montre l'importance de la liberté de pensée et de la liberté de la presse.

 Il note aussi que ce que dénoncent toutes les critiques, réactionnaires ou révolutionnaires, des droits de l'homme - de parler d'un homme "abstrait" - est en fait à l'origine même de la dynamique démocratique, qui, à l'opposé du totalitarisme, ne cède pas à l'illusion d'une unité parfaite et définitive.

 Claude Lefort pouvait ainsi, tout en défendant les dissidents soviétiques, être ouvert à toutes les revendications à venir. On comprend pourquoi ce penseur subtil et profond peut séduire une partie de la gauche radicale tout en conservant l'estime des libéraux et même des conservateurs éclairés.

 

Philippe Raynaud
(Le Monde, 8. X. 2010)

 

 

 

samedi 1 juin 2013

Lettre ouverte aux Ed. FOLIO-GALLIMARD, par Patrice C.


Patrice C.
36, quai des Orfèvres,
00000 Adresse inconnue pour le lecteur
France, pays des lecteurs non réifiés



Lettre ouverte à
Monsieur le Directeur XXX
des Editions Folio-Gallimard

Paris


 le 20 avril 2013.

 Monsieur,
Célinien convaincu à dix-huit ans et avéré depuis, j’avais décidé de relire le Voyage au bout de la nuit, chose qui ne m’était pas arrivée depuis au moins vingt ans. N’en disposant plus, car en ayant distribué plusieurs au cours de ma vie, j’acquiers donc l’œuvre dans la version que vous proposez aujourd’hui.
 
Quelle ne fut pas ma surprise de constater, une fois rentré chez moi, que le livre n’avait plus l’épaisseur que je connaissais. J’en comprenais très rapidement la raison : pour gagner en pagination, vous aviez « tout simplement », si je puis dire, réduit la force de corps de la police et l’interlignage du texte.
Je considère le procédé comme doublement malhonnête. D’abord parce que vous n’avez pour autant pas baissé le prix du livre, mais qu’en plus vous gagnez de l’argent sur l’économie de papier. Vous soumettez donc le lecteur à une double peine en le privant du confort de lecture auquel il a droit. Je me demande ce qu’en aurait pensé Céline… Il est vrai qu’il ne s’est jamais privé de dire à Denoël et à Gallimard (Gaston) ce qu’il pensait d’eux.
Je considère qu’avec une production purement industrielle et comptable de cette qualité vous ne tenez pas votre rôle d’acteur du monde littéraire qui est avant tout de donner accès et envie de lire au plus grand nombre. Que pense de cela le ministère de la Culture ? La vie et survie de votre entreprise a certes un coût, mais ne l’imposez pas aux lecteurs qui vous font vivre (quand même).

 Je me réserve le plaisir éventuel d’aller envoyer ce « pavé » indigeste dans votre vitrine et vous demande de rectifier le préjudice en me faisant parvenir une ancienne édition digne de ce que l’on appelle un LIVRE.

Puissiez-vous tenir compte de ma remarque et ainsi éviter la mort programmée de la littérature papier au profit des tablettes à laquelle votre production nous conduit.
Cordialement (et c’est bien payé !),

Patrice C.

 

 

dimanche 26 mai 2013

Extrait Y. Khadra

Yasmina Khadra, IN : L'équation africaine :

"Les vérités que l'on éludait nous explosent à la figure ; les épreuves que l'on croyait prédestinées aux autres deviennent les nôtres, avec une évidence telle que l'on a du mal à se supporter. Sont-ce les signes précurseurs de la fin, l'effritement d'une époque où les âges et la modernité se croisent pour avorter d'androïdes exterminateurs et tracer ainsi, à l'humanité entière, le chemin le plus court vers son extermination."


(Il s'agit d'un périple difficile de deux amis en Afrique où ils sont capturés en mer d'Aden par des pirates somaliens & malmenés en tant que "petits blancs". Autant dire un point de vue de circonstance.).

La Guerre sainte, René Daumal (1944)


La Guerre sainte

René Daumal
(1940)

 

 
Je vais faire un poème sur la guerre. Ce ne sera peut-être pas un vrai poème, mais ce sera sur une vraie guerre.

 Ce ne sera pas un vrai poème, parce que le vrai poète, s’il était ici, et si le bruit se répandait parmi la foule qu’il allât parler - alors un grand silence se ferait, un lourd silence d’abord se gonflerait, un silence gros de mille tonnerres.

 Visible, nous le verrions, le poète et voyant, il nous verrait ; et nous pâlirions dans nos pauvres ombres, nous lui en voudrions d’être si réel, nous les malingres, nous les gênés, nous les tout-chose.

 Il serait ici, plein à craquer des multitudes des ennemis qu’il contient - car il les contient, et les contente quand il veut - incandescent de douleur et de sacrée tranquille comme un artificier, dans le grand silence il ouvrirait un petit robinet, le tout petit robinet du moulin à paroles, et par là nous lâcherait un poème, un tel poème qu’on en deviendrait vert.

 Ce que je vais faire ne sera pas un vrai poème poétique de poète, car si le mot "guerre" était dit dans un vrai poème - alors la guerre, la vraie guerre dont parlerait le vrai poète, la guerre sans merci, la guerre sans compromis s’allumerait définitivement dans le dedans de nos cœurs.

 Car dans un vrai poème les mots portent leurs choses.

 Mais ce ne sera pas non plus discours philosophique. Car pour être philosophe, pour aimer la vérité plus que soi-même, il faut être mort à l’erreur, il faut avoir tué les traîtres complaisances du rêve et de l’illusion commode. Et cela, c’est le but et la fin de la guerre, et la guerre est à peine commencée, il y a encore des traîtres à démasquer.

 Et ce ne sera pas non plus œuvre de science. Car pour être un savant, pour voir et aimer voir les choses telles qu’elles sont, il faut être soi-même, et aimer se voir, tel qu’on est. Il faut avoir brisé les miroirs menteurs, il faut avoir tué d’un regard impitoyable les fantômes insinuants. Et cela, c’est le but et la fin de la guerre, et la guerre est à peine commencée, il y a encore des masques à arracher.

 Et ce ne sera pas non plus un chant enthousiaste. Car l’enthousiasme est stable quand le dieu s’est dressé, quand les ennemis ne sont plus que des forces sans formes, quand le tintamarre de guerre tinte à tout casser, et la guerre est à peine commencée, nous n’avons pas encore jeté au feu notre literie.

 Ce ne sera pas non plus une invocation magique, car le magicien demande à son dieu "Fais ce qui me plaît", et il refuse de faire la guerre à son pire ennemi, si l’ennemi lui plaît et pourtant ce ne sera pas davantage une prière de croyant, car le croyant demande à son Dieu : "Fais ce que tu veux", et pour cela il a dû mettre le fer et le feu dans les entrailles de son plus cher ennemi, - ce qui est le fait de la guerre, et la guerre est à peine commencée.

 Ce sera un peu de tout cela, un peu d’espoir et d’effort vers tout cela, et ce sera aussi un peu un appel aux armes. Un appel que le jeu des échos pourra me renvoyer, et que peut-être d’autres entendront.

 Vous devinez maintenant de quelle guerre je veux parler.

 Des autres guerre - de celles que l’on subit - je ne parlerai pas. Si j’en parlais, ce serait de la littérature ordinaire, un substitut, un à-défaut, une excuse. Comme il m’est arrivé d’employer le mot "terrible" alors que je n’avais pas la chair de poule. Comme j’ai employé l’expression "crever de faim" alors que je n’en étais pas arrivé à voler aux étalages. Comme j’ai parlé de folie avant d’avoir tenté de regarder l’infini par le trou de la serrure. Comme j’ai parlé de mort, avant d’avoir senti ma langue prendre le goût de sel de l’irréparable. Comme certains parlent de pureté, qui se sont toujours considérés comme supérieurs au porc domestique. Comme certains parlent de liberté, qui adorent et repeignent leurs chaînes. Comme certains parlent d’amour, qui n’aiment que l’ombre d’eux-mêmes. Ou de sacrifice, qui ne se couperaient pour rien le plus petit doigt. Ou de connaissance, qui se déguisent à leurs propres yeux. Comme c’est notre grande maladie de parler pour ne rien voir.

 Ce serait un substitut impuissant, comme des vieillards et des malades parlent volontiers des coups que donnent ou reçoivent les jeunes gens bien portants.

 Ai-je donc le droit de parler de cette autre guerre - celle qu’on ne subit pas seulement alors qu’elle n’est peut-être pas irrémédiablement allumée en moi ? Alors que j’en suis encore aux escarmouches ? Certes, j’en ai rarement le droit. Mais "rarement le droit", cela veut dire aussi "quelquefois le devoir" et surtout "le besoin", car je n’aurai jamais trop d’alliés.

 J’essaierai donc de parler de la guerre sainte.

 Puisse-t-elle éclater d’une façon irréparable Elle s’allume bien, de temps en temps, ce n’est jamais pour très longtemps. Au premier semblant de victoire, je m’admire triompher, et je fais le généreux, et je pactise avec l’ennemi. Il y a des traîtres dans la maison, mais ils ont des mines d’amis, ce serait si déplaisant de les démasquer ! Ils ont leur place au coin du feu, leurs fauteuils et leurs pantoufles, et ils viennent quand je somnole, en m’offrant un compliment, une histoire palpitante ou drôle, des fleurs et des friandises, et parfois un beau chapeau à plumes. Ils parlent à la première personne, c’est ma voix que je crois entendre, c’est ma voix que je crois émettre : "je suis..., je sais..., je veux..., qui me crient "Ne nous crève pas, nous sommes du même sang !", pustules qui pleurnichent : "Nous sommes ton seul bien, ton seul ornement, continue donc à nous nourrir, il ne t’en coûte pas tellement !".

 Et ils sont nombreux, et ils sont charmants, ils sont pitoyables, ils sont arrogants, ils font du chantage, ils se coalisent mais ces barbares ne respectent rien - rien de vrai, je veux dire, car devant tout le reste, ils sont tire-bouchonnés de respect. C’est grâce à eux que je fais figure, ce sont eux qui occupent la place et tiennent les clefs de l’armoire aux masques. Ils me disent "Nous t’habillons sans nous, comment te présenterais-tu dans le beau monde ?" - Oh plutôt aller nu comme une larve !

 Pour combattre ces armées, je n’ai qu’une toute petite épée, à peine visible à l’œil nu, coupante comme un rasoir, c’est vrai, et très meurtrière. Mais si petite vraiment, que je la perds à chaque instant. Je ne sais jamais où je l’ai fourrée. Et quand je l’ai retrouvée, alors je la trouve lourde à porter, et difficile à manier, ma meurtrière petite épée.

 Moi, je sais dire à peine quelques mots, et encore ce sont plutôt des vagissements, tandis qu’eux, ils savent même écrire. Il y en a toujours un dans ma bouche, qui guette mes paroles quand je voudrais parler. Il les écoute, garde tout pour lui, et parle à ma place, avec les mêmes mots - mais son immonde accent. Et c’est grâce à lui qu’on me considère, et qu’on me trouve intelligent. (Mais ceux qui savent ne s’y trompent pas : puissè-je entendre ceux qui savent !).

 Ces fantômes me volent tout. Après cela, ils ont beau jeu de m’apitoyer "Nous te protégeons, nous t’exprimons, nous te faisons valoir. Et tu veux nous assassiner ! Mais c’est toi-même que tu déchires, quand tu nous rabroues, quand tu nous tapes méchamment sur notre sensible nez, à nous tes bons amis."

 Et la sale pitié, avec ses tiédeurs, vient m’affaiblir. Contre vous, fantômes, toute la lumière ! Que j’allume la lampe, et vous vous tairez. Que j’ouvre un œil, et vous disparaîtrez. Car vous êtes du vide sculpté, du néant grimé. Contre vous, la guerre à outrance. Nulle pitié, nulle tolérance. Un seul droit : le droit du plus être.

 Mais maintenant, c’est une autre chanson. Ils se sentent repérés. Alors, ils font les conciliants. "En effet, c’est toi le maître. Mais qu’est-ce qu’un maître sans serviteurs ? Garde-nous à nos modestes places, nous promettons de t’aider. Tiens, par exemple : figures-toi que tu veuilles écrire un poème. Comment ferais-tu sans nous ?"

 Oui, rebelles, un jour je vous remettrai à vos places. Je vous courberai sous mon joug, je vous nourrirai de foin, et vous étrillerai chaque matin. Mais tant que vous sucerez mon sang et volerez ma parole, oh ! plutôt jamais n’écrire de poèmes !

 Voyez la paix qu’on me propose. Fermer les yeux pour ne pas voir le crime. S’agiter du matin au soir pour ne pas voir la mort toujours béante. Se croire victorieux avant d’avoir lutté. Paix de mensonge ! S’accommoder de ses lâchetés, puisque tout le monde s’en accommode. Paix de vaincus. Un peu de crasse, un peu d’ivrognerie, un peu de blasphème, sous des mots d’esprit, un peu de mascarade, dont on fait vertu, un peu de paresse et de rêverie, et même beaucoup si l’on est artiste, un peu de tout cela, avec, autour, toute une boutique de confiserie de belles paroles, voilà la paix qu’on me propose. Paix de vendus ! Et pour sauvegarder cette paix honteuse, on ferait tout, on ferait la guerre à son semblable. Car il existe une vieille et sûre recette pour conserver toujours la paix en soi : c’est d’accuser toujours les autres. Paix de trahison !

 Vous savez maintenant que je veux parler de la guerre sainte.

 Celui qui a déclaré cette guerre en lui, il est en paix avec ses semblables, et, bien qu’il soit tout entier le champ de la plus violente bataille, au-dedans du dedans de lui-même règne une paix plus active que toutes les guerres. Et plus règne la paix au-dedans du dedans, dans le silence et la solitude centrale, plus fait rage la guerre contre le tumulte des mensonges et l’innombrable illusion.

 Dans ce vaste silence bardé de cris de guerre, caché du dehors par le fuyant mirage du temps, l’éternel vainqueur entend les voix d’autres silences. Seul, ayant dissous l’illusion de n’être pas seul, seul, il n’est plus seul à être seul. Mais je suis séparé de lui par ces armées de fantômes que je dois anéantir. Puissè-je un jour m’installer dans cette citadelle. Sur les remparts, que je sois déchiré jusqu’à l’os, pour que le tumulte n’entre pas la chambre royale !

 "Mais tuerai-je ?" demande Ardjouna le guerrier. "Paiera-je le tribut à César ?" demande un autre. - tue, est-il répondu, si tu es un tueur. Tu n’as pas le choix. Mais si tes mains se rougissent du sang des ennemis, n’en laisses pas une goutte éclabousser la chambre royale, où attend le vainqueur immobile. - Paie, est-il répondu, mais ne laisse pas César jeter un seul coup d’œil sur le trésor royal.

 Et moi qui n’ai pas d’autre arme, dans le monde de César, que la parole, moi qui n’ai d’autre monnaie, dans le monde de César, que des mots, parlerai-je ?

 Je parlerai pour m’appeler à la guerre sainte. Je parlerai pour dénoncer les traîtres que j’ai nourris. Je parlerai pour que mes paroles fassent honte à mes actions, jusqu’au jour où une paix cuirassée de tonnerre règnera dans la chambre de l’éternel vainqueur.

 Et parce que j’ai employé le mot de guerre, et que ce mot de guerre n’est plus aujourd’hui un simple bruit que les gens instruits font avec leurs bouches, parce que c’est maintenant un mot sérieux et lourd de sens, on saura que je parle sérieusement et que ce ne sont pas de vains bruits que je fais avec ma bouche.

 

René Daumal,
Printemps 1940.

 

 

vendredi 28 décembre 2012

Ludwig Wittgenstein, Carnets (extraits)


Ludwig Wittgenstein, Carnets de Cambridge & de Skjolden, PUF, coll. « Perspectives critiques », 1999.

 
 
 
On croit souvent –et je tombe moi-même souvent dans cette erreur- qu’il est possible de mettre par écrit tout ce que l’on pense. En réalité on ne peut mettre par écrit –c’est-à-dire commettre une sottise ou une impropriété- que ce qui naît en nous sous une forme écrite. Tout le reste paraît comique & pour ainsi dire une ordure. C’est-à-dire comme quelque chose qui devait être effacé.
(p. 38, à la date du 9 mai 1930, Cambridge)


La tâche de la philosophie est d’apaiser l’esprit sur les questions insignifiantes. Celui qui n’est pas prêt à de telles questions n’a pas besoin de la philosophie.
(p. 55, à la date du 8 février 1931, Cambridge)



mercredi 19 décembre 2012

L'Extrême gauche plurielle, de P. Raynaud (2 extraits)

1er extrait, page 54.
" (…) on peut déjà être certain que de nouveaux clivages sont en formation, dans lesquels les relations entre les conservateurs, libéraux et libertaires vont connaître des mouvements assez profonds. Plus généralement, le débat autour des nouveaux thèmes radicaux traverse toute la gauche ; or, dans un pays comme la France où, sans être toujours politiquement majoritaire, la gauche est idéologiquement hégémonique, cela signifie en fait qu’il pèse sur l’ensemble de la vie politique nationale, comme le montre, par exemple, le refus général de la référence libérale, y compris à droite. On peut évidemment considérer que tout cela n’est qu’un phénomène superficiel, et que la force des choses ne manquera pas, tôt ou tard, de réduire l’influence des courants les plus radicaux dès lors que le système politique aura « récupéré » une partie de leurs revendications."

2nd extrait, p. 111.
"Dans l’interprétation aujourd’hui dominante, Mai 68 marque à la fois l’apogée d’une certaine sensibilité révolutionnaire et le début de son déclin : les étudiants rejouent la Commune de Paris ou se croient à Saint-Pétersbourg en 1905, mais, en fait, l’explosion libertaire de Mai va faire éclater les vieilles structures autoritaires qui encadraient la société française, ouvrant ainsi la voie au déclin simultané de l’Etat administratif, de l’école républicaine traditionnelle et, last but not least, d’un Parti communiste dont l’influence tenait à l’habileté avec laquelle il avait su capter une partie de l’héritage jacobin."


Philippe Raynaud, L’Extrême gauche plurielle – Entre démocratie radicale & révolution,
Ed. Autrement, coll. « CEVIPOF », Paris, 2006, 203 pages.





Un écrivain invité : Olivier Hobé.



 [J'aime beaucoup Olivier Hobé depuis des années. En réalité depuis les années L'Authenticiste où les frères Guigot, avec Le Digol, faisaient paraître de quoi extasier les lettrés du pays France.


Olivier Hobé suit, paisible, une lente montée vers le Mont Analogue si chère à certains auteurs qui ne parviendront jamais à la hauteur du chalet de la vallée.

Lui, Hobé, oui. 
Discret, il publie régulièrement de lumineuses perles littéraires, à mi-chemin entre littérature & poésie.
Il faut écouter lire les textes d'Olivier Hobé pour se l'approprier. Son dernier récit-journal, car notre écrivain ici invité est aussi diariste, est Le Journal d'un haricot qui conte les souffrances de l'enfant devant suivre de risqués soins. Il s'agit d'un livre édité aux Editions Apogée, Rennes, 2011.
Je ne doute pas que, d'ici peu, un second extrait inédit d'une prochaine publication sera présente dans les lignes de L'Atelier du Serpent Vert. - O.P.].



15.VIII.11, Kerla.

Dévoré à petites dents ciselées le « Fou de Marie » (*) de Pierre Tanguy. Je n'avais pour ainsi dire lu qu'un seul haïku de cet auteur mais ce personnage qui retourne en son chêne le plus souvent qu'il le peut et «épouse les rêves des hommes», ses mots qui viennent à ses lèvres comme des petites bêtes, ça me botte. Un fou de plus dans nos campagnes, le bien est fou, le mal est fou, la vierge : folle.

50000 jeunes de France foncent aux JMJ à Madrid, 11% très exactement de la totalité des nigauds attendus. Combien vont tomber dans le péché de chair, lors de ce festival de chants et de transes où se trémoussent des escouades de poitrines offertes à la lance, se lèvent des bataillons d'idées hautement postérieures, s’incrustent des membres gonflés à bloc par la secte ? Impossible à dire, disons qu'il y en aura bien une partie.

C'est pas très bon pour moi, je me radicalise question curée, peut-être parce que j'attends d'être enfin seul à m’absoudre. La nature mirobolante s'étend bien plus vite que les liserons qui fleurissent, ici où là, et que je ne peux arracher de moi ; en réalité ce que j’arrache est ce que j'écris là, indécrottable ver luisant des fraudes à la liberté d’écrire.

 
« Je ne sais pas si les machines à laver sont ouvertes la nuit » dit-elle ; on se tire la langue comme on écrit un poème, comme on enferme un songe ou on dilapide une soirée d'été.

S’invaginent alors un pont à la dérive, un arc de pierre sans une flèche pour étendre le linge, un rêve qui a déteint partout, des machines ouvertes, bourrées à l'eau de Javel.

Toujours hurlant dans un tambour vide à côté, je te salue, lavé de mes péchés, fripé, dégouliné,  avec ces vers de mon tonneau.



(*) Pierre Tanguy, Fou de Marie, Ed. La Part commune, 2009.



vendredi 14 décembre 2012

L'aura du (de la) philosophe, Ludwig Wittgenstein



Ludwig Wittgenstein
Premier cours à Cambridge, janvier 1930 (extrait).



« La philosophie a perdu son aura. A présent, en effet, nous possédons une méthode pour faire de la philosophie, si bien que nous pouvons parler de la compétence des philosophes. Comparez les différences qui existent entre l’alchimie et la chimie. La chimie possède une méthode et nous pouvons parler de la compétence des chimistes. Mais une fois qu’une méthode a été découverte, les possibilités d’expression de la personnalité sont réduites en conséquence. Notre époque a tendance à restreindre de telles possibilités ; c’est une chose qui caractérise les époques de déclin de la culture ou celles qui en sont dépourvues. En de telles périodes, un grand homme n’est pas nécessairement moins grand. Mais la philosophie se réduit désormais à une question de compétence et le philosophe a perdu son aura. Qu’est-ce que la philosophie ? Une recherche sur l’essence du monde ? Nous voulons qu’une ultime réponse nous soit apportée, ou bien quelque description du monde, qu’elle soit ou non vérifiable. Et nous pouvons certainement donner une telle description, en y comprenant les états psychiques, et découvrir les lois qui le gouvernent (…). Ce que nous faisons, en fait, consiste à nettoyer nos notions, à clarifier ce qui peut être dit du monde. Quant à ce qui peut en être dit, nous sommes en pleine confusion, et nous nous efforçons d’y voir clair. La philosophie est cette activité de clarification. Nous poursuivrons donc cet instinct de clarification, et laisserons de côté notre question initiale : qu’est-ce que la philosophie ? ».

[in : George E. Moore, Les cours de Wittgenstein en 1930-1933,
trad. Française de J.-P. Cometti, Philosophica I, Mauvezin, TER, 1997.]





mardi 9 octobre 2012

Jean Carbonnier - Inflation du droit : trop de pénal

<< (...) Oui, il doit y avoir plus de droit pénal qu'en 1958, au bout du compte. Aux vieilles lunes est renvoyée la conviction de la philosophie éclairée du XIXe siècle, que l'histoire de la peine est celle de son abolition continue.
Cette inflation du droit pénal participe à l'inflation générale du droit et l'aggrave, car le droit pénal, parmi les droits, a cette singularité d'être, de vouloir être douloureux. On pourrait, il est vrai, avancer en atténuant cette remarque qu'il l'est moins depuis 1958, le criminel à tout le moins ne risquant plus sa vie à le braver. Seulement, les incriminations subsistent, innombrables. Tout ce qui n'est pas défendu est permis, certes; mais les individus d'en bas ne réussissent pas à deviner tout ce qui défendu, et c'est ce nuage noir d'où la foudre peut sortir inopinément qui fait planer l'angoisse (...) >>.

Jean CARBONNIER, in :
Droit & passion du droit sous la Ve République,
Ed. Flammarion, Paris, 1996, p. 144.
 
 
[commentaire simpliste d'Olivier Pascault :
La sagesse du doyen Carbonnier, décédé en 2003, n'est plus à démontrer.
Certes, des générations extensives d'étudiants en Licence ont connu ses Manuels de droit civil, ses apports féconds et "progressistes" en droit de la famille à compter de 1975 - qu'il me soit pardonné cette expression courante liée au progrès, dans une période de reculs généralisés de civilisation avancée -  bien plus opératifs que Mazeaud & Chabas...
Certes, le doyen Carbonnier appartenait à une génération qui voulait, dans un autre registre que Michel Villey, sortir le droit de sa faconde techniciste, aboutissant à ce que quelques jeunes talents de juristes devenus à devenir des mécanos désuets d'une technique où le QCM remplaçait la pratique d'une réflexion raisonnant dans la nuit des solitudes et atermoiements proprement humains : la peine, la sanction, l'ordre nouveau de la norme de droit.
Le doyen Carbonnier a clarifié et raisonné la perspective d'une étude juridique sérieuse de la sociologie du droit. Le professeur Villey, à la fois dans son registre intime et public, quant à lui, foisonnait vers la philosophie du droit et l'histoire du droit pour revenir à des sources plus tempérées et justes du droit.
L'inflation juridique, véritable plaie en civil, pénal et droit public, aboutit à une incompréhension généralisée du droit, de la justice. Et plus encore dans la pratique des magistrats professionnels. Le professeur Villey a averti des étudiants qui se sont coulés dans la fange de la Technè. Tant pis pour le droit contemporain... tant pis pour tout justiciable en quête de justice.
Les vertus blasphématoires d'une telle impéritie entraînerait un blame chez tout potache agité d'un lycée bien éduqué. Hic & nunc l'Etat, dans notre pays agité par une instabilité politique consubstantielle habitée de "nuages noirs", se camoufle sous les ornières de petits élus carriéristes qui ont perdu l'ordre et la maîtrise des états de la multitude. La signature des choses, comme la signature des règles, invertissent les normes pour les vider de leur substance concrète.
De cette gageur de l'instable, surgit "l'angoisse" relevée par le doyen Carbonnier.
Au grand dam de notre humanité en béance.]
 


mercredi 26 septembre 2012

Deux contes pour le Cantal : Guigot & Michelson


Pont de La Roquebrou, juillet 2011.

Plénitude dans la simplicité

Jean-Yves Guigot


La fraîcheur gagnait les hauteurs auvergnates après un après-midi caniculaire. Les belles étendues du Cantal accueillaient alors une bande de joyeux vacanciers qui, après un copieux repas où les plus belles Salers avaient offert une viande savoureuse et avec leur lait un fromage délicieux, allèrent faire une promenade digestive ponctuée d’une partie de pétanque.
La soirée avait la calme langueur qui nous pénètre par tous les pores et nous donne la vive certitude que rien ne nous sépare de cet air qui nous traverse, de ces chants d’oiseaux et de branches remuant en cadence dans l’envol du vent qui doucement souffle sur Siran.
La partie de pétanque se déroula tard après la nuit tombée, les joueurs ayant profité de l’éclairage municipal. Non loin du terrain montait la lune près d’un arbre dont dans la nuit on ne pouvait distinguer l’espèce, mais dont deux d’entre les branches semblaient soutenir l’astre et l’élever telle une offrande mystique aux regards qui sauraient en comprendre le symbole.
Gorgés de beauté et de bien-être, les joueurs repartirent avec cette joie que donne la pleine symbiose avec la nature et l’instant vécu, même le plus simple, quand on sait la voir avec un étonnement sacré…

J.-Y. G.
(nouvelle parue dans la revue L'Authenticiste, n° 11, automne 2011.)


Eglise de Siran, 2010.



 Boules de vie

Daniel Michelson


A Yannick G., que la confiance vienne…

A Siran, le jour se lève. Les heures s’égrènent sous la chaleur de cet incroyable juillet que plus d’un cantalou considère exceptionnel, l’oeil levé sur le thermomètre. Tôt le matin, les champs parfumés des blés et maïs brûlés parviennent jusqu’à nos narines.
Lire, se promener, dîner n’est rien. Ou si peu. Car survient le moment où les joues se crispent sous les sourires de nos plaisanteries. La soirée commence. Les amis s’apprêtent. Pour eux, tout réside dans le choix du soulier. Ma fille porte les deux valises renfermant les précieuses boules d’acier. C’est le signal. La main propre est un atout. Pour enrouler du poignet, chacun se frotte en conscience sa poigne préférée. Nous traversons le village, les maisons ouvertes sur un poste de télévision, une odeur de soupe, son musée de l’accordéon tout près du logis. Et puis la petite église du XVIIIème siècle où je jette mon regard sur un joli Jésus en croix, espérant que le cochonnet sera notre roi ce soir encore. Au fond d’un chemin bordé de pieds de lavande, les trois pistes de sables fins sont libres. Deux équipes de trois se forment.
Ma fille et le grand gaillard à moustache sont mes partenaires, deux sacrés partenaires que je motive. Lui, il place ; elle, elle tire. Moi, j’affine. Comme mon alter ego, Le Poète. Il joue ce soir en compagnie de son épouse, l’Eve, et la vieille tante. Elle m’énerve, celle-là. Lente comme un troupeau entier de chèvres en pente sèche, elle marque pourtant de magnifiques points. La femme du Grand est promenée par Angéla, la chienne de la famille.
La partie est lancée. Les regards tour à tour sévères et joyeux.
Et ça dure, et ça coince, et ça se relance. Chaque joueur est concentré. Nous ne percevons pas la nuit avancer.
« Ils sont forts, ce soir », me dis-je.
La pénombre menace nos scores. Ma fille tire. Elle enfonce les placements de nos adversaires. Le Grand bafouille un « j’vais pas y arriver ». Je lui réponds par une chiquenaude morale : « tu crois en moi, tu le feras ». L’Eve sourit, « O mon Père, tu lui mets la pression, c’est bien pour nous ».
Et il place, mon diablotin ! Nous reprenons l’avantage. A moi. J’hésite. Ma décision est prise, je me dirige vers le casier électrique fermé à clef. Je le crochète, mon Suisse me sert à tout.
« Que la lumière soit », s’exclame Le Poète.
Les rires vont bon train. Une fois de plus, mes gestes les amusent.
J’ai encore mes trois boules. De belles billes d’acier lourdes, anciennes et me venant de mon père. Si je suis déterminé, mes acolytes et moi, nous emporterons la partie. Ma fille m’encourage. Le Grand ne veut pas regarder.
Gagné, la pétanque sera toujours un concentré de lavande.

D.M.
(nouvelle parue dans la revue L'Authenticiste, n°11, automne 2011.)




Le Puy-Marie, juillet 2010.








Maurice Leblanc - "L'argument" (nouvelle inédite)

L'Argument
(nouvelle)

Maurice Leblanc



Tournant la tête vers l'épouse coupable, il montra sa figure blême où des larmes suivaient le triste chemin des rides et descendaient jusqu'à la moustache grise. Et il murmura :
- Pourquoi... pourquoi m'as-tu trompé ?
Elle se taisait, le regard insolent, presque fière de l'aveu cynique dont elle venait de le cingler en pleine face ?
Cette obstination dédaigneuse à ne point se défendre le mit hors de lui :
- Mais parle donc, explique-toi...
Debout devant elle, il la menaçait du poing:
- Oui, pourquoi, pourquoi sacrifier ton bonheur, le mien, l'avenir de l'enfant ? Il n'est pas mieux que moi, cet individu ! Plus jeune, certes, mais pas de distinction, une sorte d'ouvrier, une brute... En outre, tu n'as rien à me reprocher. De l'argent, tu en as, et des chevaux, des voitures, du luxe. Alors quoi ? ta chair, peu-être, les besoins de ta chair ? C'est cela ? Oh, la gueuse !...
Il l'empoigna comme pour l'écraser contre lui. Mais, sous le peignoir, il sentit le corps souple de la jeune femme, ses seins libres et lourds. Et il tressaillit de désir.
- Ainsi, c'est pour des caresses que tu t'es livrée. Que ne m'en demandais-tu ? Nous restions des semaines... Est-ce que je savais, moi ! Si tu me l'avais dit, je t'aurais contentée, aussi bien que lui, mieux que lui... Au fond, ce qu'il fait, je le fais... La joie qu'il te cause, je te la cause, il n'y a pas deux manières...
D'un coup sec, il lui enleva son corsage :
- Ta poitrine, je l'aime, je l'admire comme lui... ce baiser de mes lèvres vaut bien son baiser. Il est fort, puissant ! Et moi ? Crois-tu que mon désir n'est pas égal au sien, et que je ne puisse te posséder malgré toi, te violer ?...
Il la renversa d'une main, de l'autre, lui arracha ses vêtements. Et il bredouillait :
- S'y prend-il autrement ? Non, hein ? Pas mieux, en tout cas... la preuve... la preuve, c'est que... ah ! la gueuse... tu n'y goûtes pas plus de plaisir... avoue-le...
L'étreinte finie, il lui planta ses yeux dans ses yeux, et dit avec un accent de triomphe :
- Et puis après ?... Que fait-il de plus que moi, ce monsieur ? Que fait-il qui puisse excuser ta faute ?
Elle répondit simplement :
- Il recommence.
Il baissa la tête, vaincu.


Maurice Leblanc

(L'argument, nouvelle, IN
Maurice Leblanc - 50 inédits,
Les Editions de l'Opportun, Paris, octobre 2012, p. 49).



[commentaires Olivier Pascault :

Mercredi 26 septembre -
Véritable découverte impromptue, due à une attachée de presse sous l'emprise des blogs qu'elle observe, me voici lecteur depuis hier à réception de ces nouvelles inédites de Maurice Leblanc. Normand, et donc disciple tout à la fois de Flaubert & Maupassant, l'auteur du célébrissime personnage de la "littérature 813" - ou Polar -, j'ai dit Arsène Lupin, cet excellent lecteur des nouvelles de Maupassant, Maurice Leblanc a fait paraître dans le Gil Blas, Le Gaulois, etc., des nouvelles sensibles où femmes et individualisme sont réduits à ce qu'ils sont devenus en son temps : deux tragédies de l'évolution lente et durable du monde.
Pourquoi s'occupe-t-il ainsi d'observer, littérairement, les femmes ?
Leblanc les veut libre et indépendantes. Il les saisit, en ce sens, comme des êtres pouvant s'épanouir dans la jouissance sexuelle sans tabous ni fers. Même lignée en amour. En bref, librement. D'où sa plume acerbe, limpide et dangereuse pour décrire des femmes qui, en apparence libres, se font les prostituées de leur propre possibilité d'ascension morale.
Si cet aspect ténu peut entraîner des hauts de le coeur dans les esprits sucrés de nos années 2000, chez Leblanc, il est d'abord marqué par une critique résolue de l'individualisme. C'est qu'il perçoit l'amoralisme pervers de l'égoïsme social qui surgit en France au moment de la pénétration subreptice de la révolution industrielle.
Il y a de la joie à lire ce Maurice Leblanc trop méconnu. Et pour l'heure, pour près de 360 pages et n'en ayant lu que 120, je ne peux m'exprimer ici davantage sur ces textes. A suivre...]

Citation / Enrique Serna


"Nous sommes dans l'ère de l'imposture, chéri.
L'art est mort depuis que nous avons mis un prix dessus".

Enrique Serna, IN Amours d'occasion.

[Cornelius Castoriadis a vu plus justement
l'ère de l'insignifiance portée aux nues]



mercredi 12 septembre 2012

Paul Ricoeur et un Rembrandt

Pour Paul Ricoeur, "Aristote contemplant un buste d’Homère" de Rembrandt, << symbolise l'entreprise philosophique telle que je la comprends. Aristote, c'est le philosophe, comme on l'appelait au Moyen Âge, mais le philosophe ne commence pas de rien. Et même, il ne commence pas à partir de la philosophie, il commence à partir de la poésie. Il est tout à fait remarquable, d'ailleurs, que la poésie soit représentée par le poète, comme la philosophie est représentée par le philosophe, mais c’est le poète qui est statufié, alors que le philosophe est vivant, c'est-à-dire qu'il continue toujours d'interpréter. Le poète est en quelque sorte recueilli dans son oeuvre écrite qui est représentée par un buste (...) >>.




vendredi 17 août 2012

Leo Strauss (citation actualisée, commentée)


http://latelierduserpentvert.blogspot.fr/2011/12/citation-l-strauss.html


Critique d'Albert Camus sur la presse (extrait)


CRITIQUE DE LA NOUVELLE PRESSE
(Combat, 31 août 1944)
Albert Camus


<< (...) Lorsque nous rédigions nos journaux dans la clandestinité, c'était naturellement sans histoires et sans déclarations de principe. Mais je sais que pour tous nos camarades de tous nos journaux, c'était avec un grand espoir secret. Nous avions l'espérance que ces hommes, qui avaient couru des dangers mortels au nom de quelques idées qui leur étaient chères, sauraient donner à leur pays la presse qu'il méritait et qu'il n’avait plus. Nous savions par expérience que la presse d'avant guerre était perdue dans son principe et dans sa morale. L'appétit de l'argent et l'indifférence aux choses de la grandeur avaient opéré en même temps pour donner à la France une presse qui, à de rares exceptions près, n'avait d'autre but que de grandir la puissance de quelques-uns et d'autre effet que d'avilir la moralité de tous. Il n'a donc pas été difficile à cette presse de devenir ce qu'elle a été de 1940 à 1944, c'est-à-dire la honte de ce pays.
 

(...) Notre désir, d'autant plus profond qu'il était souvent muet, était de libérer les journaux de l'argent et de leur donner un ton et une vérité qui mettent le public à la hauteur de ce qu'il y a de meilleur en lui. Nous pensions alors qu'un pays vaut souvent ce que vaut la presse. Et s'il est vrai que les journaux sont la voix d'une nation, nous étions décidés, à notre place et pour notre faible part, à élever ce pays en élevant son langage. À tort ou à raison, c'est pour cela que beaucoup d'entre nous sont morts dans d'inimaginables conditions et que d'autres souffrent la solitude et les menaces de la prison. >>

Albert Camus, extrait IN :

Actuelles I - Ecrits politiques, Gallimard, 1950.

mercredi 15 août 2012

"Pensée" / "Thought", Gregory Corso

THOUGHT

Death is but is not lasting.
To pass a dead bird,
The notice of it is,
Yet walking on
Is gone.
The thought remains
And thought is all I know of death.



PENSEE

La mort est, mais ne dure pas.
Passer près d'un oiseau mort,
En être conscient,
L'ayant dépassé,
Ne plus l'être.
La pensée demeure
Et la pensée est tout ce que je sais de la mort.

samedi 11 août 2012

"N'est pas de droite qui l'on pensait" - Dominique de Roux (1968) & commentaire OP

"N’est pas de droite qui l’on pensait"

Dominique de Roux

(texte intégral paru IN : L’Ouverture de la chasse, Ed. L’Age d’Homme,
coll. « La Merveilleuse collection », Lausanne, juillet 1968).




Dominique de Roux & Savimbi
            L’idée que la séparation entre la droite et la gauche ne serait qu’une vue de l’esprit est, elle-même, une idée de droite. De Drumond à Drieu de la Rochelle, la droite nationaliste française s’est battue avec acharnement pour liquider cet antagonisme, crevasse dans l’édifice limpide de la nation totale, de l’Etat total. Du point de vue de la nation, Robespierre et Brasillach se trouvent du même côté de la barricade, Hitler et Staline deviennent les deux pôles d’un même mouvement historique.

            La gauche, elle, ne s’est jamais définie par rapport à elle-même, mais, dialectiquement, contre sa droite la plus proche : la Chine Rouge de Mao en est venue à taxer l’URSS, « patrie du prolétariat mondial », tout simplement de puissance fascisto-impérialiste, et les extrémistes des maquis latino-américains crachent avec une délectation morose, sur leur droite à eux, au visage impassible des responsables en place des grandes centrales chinoises d’agitation et de propagande, qui, à leur avis — et peut-être en savent-ils quelque chose — seraient en train de trahir le front de la Révolution Mondiale dans le « Continent du Che ».

            En réalité, toute définition majeure de l’antagonisme, ou de la différence entre ce qui, dans l’histoire, dans la société, serait de droite ou de gauche, semble parfaitement impossible d’un point de vue historique ou social. Culte démentiel du chef solaire, charismatique, antisémitisme enragé, exaltation de la nation en tant que terre, en tant que mystère du sang versé, impérialisme permanent et total, toute-puissance du parti unique, de la sécurité de l’Etat et des Forces Armées, répression bestiale des atteintes à l’unité monolithique de la pensée du chef unique et de son parti, idéologie qu’il faille suivre, comprendre, imposer mystiquement et oecuméniquement : cette définition politique du stalinisme et de l’Union Soviétique de « l’ère stalinienne », absolument identique à la définition du Troisième Reich hitlérien, et de la situation doctrinaire d’un régime à l’opposé du communisme, prouve l’inanité de toute tentative d’explication, d’approche de l’antagonisme droite / gauche en partant d’un point de vue politique. Cette impossibilité apparaît la même, aussi bien historiquement que socialement. En effet, du point de vue de sa doctrine sociale, le national-socialisme de José-Antonio Primo de Rivera, et surtout de Ledesma Ramos, se trouve être infiniment plus « à gauche » que la plateforme sociale du régime contre lequel le Mouvement National s’était levé en armes, en juillet 1936. Du point de vue de l’idée historique centrale de la droite traditionnelle, qui est l’idée gibeline de l’Empire, de la supranationalité, Briand, voire même Léon Blum se trouvent infiniment plus à droite qu’un Charles Maurras.

            Il serait cependant inconcevable que l’on puisse vouloir nier la profonde séparation de l’histoire universelle en deux courants, en deux canyons d’intelligence des choses, des hommes et de tout, et que ces deux courants irréconciliables se situent l’un à gauche et l’autre à droite de la marche même de l’histoire, ou plus exactement de cette zone d’immobilité centrale où, comme à l’intérieur d’un cyclone, tout est calme, parce que toutes les contradictions des forces en présence s’y trouvent dialectiquement annulées, comme si de rien n’était, zone centrale de l’histoire que l’on pourrait appeler du nom de l’anti-histoire comme on dit anti-cyclone.

            C’est donc du point de vue de l’anti-histoire qu’il faudrait essayer d’approcher le secret de la séparation fatale entre la gauche et la droite de l’histoire. Or, le monde étant ce qu’il est, et par rapport, précisément, à ce qu’est le monde, l’anti-histoire, c’est l’esprit et le monde de l’esprit.

            C’est ainsi que face à l’Arbre Séphirothique, figure centrale de la Kabbale Judaïque, la colonne gauche est dite Colonne de la Rigueur, et la colonne de droite, Colonne de la Clémence. Mais la même Kabbale affirme, aussi, que l’ange de la Clémence est le même que l’Ange de la Rigueur. Dans ses écrits, un Joseph de Maistre, après Louis-Claude de Saint Martin, reconnaissait dans la Révolution française, — qui, pour lui, et pour les siens, était « le mal suprême », — une épreuve occulte de la Divine Miséricorde.

            Transhistoriquement parlant — qui propose donc de situer le centre de gravité de l’histoire comme en dehors de l’histoire elle-même, dans le dépassement même de l’histoire — la gauche et la droite existent, fondamentalement, comme l’infra-structure active, comme la grande force motrice de l’histoire face à con propre avancement.

            Seraient de gauche, du point de vue de la trans-histoire et de l’esprit, ceux qui pensent que le monde est tel qu’il apparaît, qu’il n’y a pas d’« autre monde ». La droite, au contraire, ne verrait dans ce monde qu’un passage, une sorte de figure chiffrée d’un autre monde, invisible, hors d’atteinte. Mais les uns et les autres, en réalité, ne feraient que servir la cause trans-historique de ce qui, de par cette contradiction même, fait que l’histoire n’arrête jamais, ni sa marche en avant ni son devenir.

            L’espace de la droite est d’ailleurs, son temps est à jamais situé dans l’après. La gauche vit dans le présent de son intelligence du temps, son espace est, paradoxalement, le temps de la présence réelle. La séparation entre la gauche et la droite est une séparation anti-historique, elle reproduit, en elle-même et en tant que telle, la séparation entre ce monde-ci et l’autre monde. Tout le reste n’est qu’ombre, connivences, malentendu et même, à la limite, haute stratégie.

            On comprend mieux, ainsi, pour quelles raisons profondes l’œuvre d’un Louis-Ferdinand Céline avait été comprise, et comme happée en URSS, qui se trouvait encore à l’aurore de son expérience de sécularisation de la réalité du monde et de l’histoire, affamée comme elle l’était alors, d’une certaine présence réelle d’un monde enfin libéré du poids catastrophique de l’autre monde. , et maintenant est la double exigence absolue de la gauche. Là, et maintenant, tout. Du point de vue du monde, tout est donc, toujours, trop tard, tout est crépuscule.

            Tout est crépuscule ? N’est pas de gauche qui l’on pensait.

Dominique de Roux (1968).






[commentaire – Olivier Pascault]

      Dominique de Roux (1935-1977) a marqué son temps en tant qu’éditeur, revuiste et écrivain pour qui engagement signifiait action, présence dans les luttes internationales et, forcément, clandestinité. A jamais hédoniste pour lier les faux contraires, Dominique de Roux savait découvrir et donner à lire des auteurs honnis par le conformisme ambiant des années 60 et 70 où l’interrègne des coureurs de fond du gauchisme infantile aimaient, quelquefois, balafrer ceux qui, un peu trop libres à leurs rouges goûts, refusaient un temps de marcher au pas chinois ou soviétique… ou italien ou yougoslave… ou albanais ou vietnamien.
      L’Ouverture de la chasse est ainsi un précis d’essais très courts que Dominique de Roux fait paraître en juillet 1968. Immédiatement après la sauterie de Mai, Dominique de Roux observe et ricane devant ceux qui, il n’en doutait déjà pas, ont joué aux « révolutionnaires à l’Odéon » et deviendront les gouvernants dociles et un peu libertaires (libertariens de gauche, plutôt - NDA) des années ultérieures. Pour Dominique de Roux, ces fils du barnum de Mai sont à ce point de pâles figurines de plâtre devant les Insurgés de la Commune de 1871 qu’il leur refuse tout net la mention de « révolutionnaires ». D’ailleurs, de Roux ne témoigne-t-il pas d’un polisson rendu célèbre, Cohn-Bendit, piaffant devant la salle à manger de Paris Match à s’en ronger les sangs de vertu. Dans cette atmosphère printanière de « surréalisme amolli, encrassé, se sont déchirés aux fourrés des mythologies révolutionnaires » (op. cit., p. 11) des fils émeutiers pour le plaisir de l’embuscade. Mais, prévient Dominique de Roux, « on ne fait pas une révolution sur une absence d’événement » (id.). A n’en pas douter, cette imposture n’a pas eu prise sur la majorité des ouvriers — y compris les plus syndiqués et politisés —, sinon en un tour de vis à la Héraclite affirmant « que l’âme sèche est la plus sage et la meilleure », peut-être davantage pour défier le Général et rameuter au bercail les parents des indolents. Ces mêmes parents qui prirent une dimension d’homme ivre. Au sens, là encore, où Héraclite entend que « l’homme quand il est ivre se laisse conduire par un enfant : il titube sans savoir où il va, car son âme est humide ».
      « N’est pas de droite qui l’on pensait », ici reproduit in extenso par nos soins, est sincèrement vrai. La situation ne l’exige pas, elle la démontre. L’histoire n’est ni circulaire, ni cyclique. Elle se jauge dans les situations, les alliages entre les idéologies, la politique, la politique économique et la guerre, mais encore, en une vue pénétrante, dans le fil d’Ariane très souvent caché des heures essentielles où se bousculent les décisions et lois porteuses des conséquences les plus strictes. L’histoire, comme le droit qui est une pensée juridique humaine et dénaturée par le juge (nota bene : au nom du principe « judex locutus, causa finita », le droit émane de la « bouche » du juge qui prononce un « nous » qui est en réalité un « je »), se décrypte à l’aune des comportements individuels et collectifs, en observant et les groupes et l’histoire sérielle. Autant dire que l’histoire a tout à gagner, à chaque fois et dès que cela est possible par les archives, à divulguer les études prosopographiques qui enseignent plus qu’elles n’analysent. L’analyse est la partie suivante du travail de l’historien, pour ainsi dire. L’histoire est une pensée en mouvement, fondée sur les archives, les études et une attention soutenue pour le cours philosophique, spirituel, théologique, littéraire et social du moment étudié. C’est sans doute ce que ce très court et brillant essai de Dominique de Roux nous enseigne, lui qui n’a pas manqué non plus de démasquer in situ tout l’intérêt qu’en retirait la politique de Washington d’appuyer indirectement les joyeux lurons des fêtes universitaires mondiales de 67-68 afin d’asseoir sa suprématie contre la ligne indépendante, décolonisée et souveraine que Charles de Gaulle proposait au monde.
      La politique est un combat pour la vie, et « vivre, c’est combattre » (Sénèque), perdre souvent, gagner parfois. De Gaulle a sans doute perdu avant tout contre Washington, non pas à cause d’une Sorbonne bien évanescente à vouloir faire vibrer sa liberté égotique et ne cillant pas ses yeux devant le subterfuge du maniement des foules, d’abord intellectuelles puis ensuite des masses de la part une administration centrale organique commandée par des militaires. Ces militaires US qui n’ont pas digéré la lutte nationale de « l’homme du 18-Juin » qui a su chasser tous les plans de mise en coupe réglée de la France dès 1942.

OP, 11 août 2012.