Convention littéraire & sobriété que nous aimons
par Olivier Pascault
par Olivier Pascault
François Emmanuel dérange. La Chambre voisine reste une intrigue conventionnelle, au dénouement attendu mais ô combien proche de ce que nous apprécions de sobre avec son auteur.
Ignace, le narrateur, va petit à petit saisir ce qui pèse sur sa famille, peu après l’arrivée d’un étranger dans la grande demeure de Seignes, un jour d’été étouffant. Else, sa jeune sœur, est portée disparue à Oszkina, en Pologne, depuis trois ans. Que lui est-il arrivé ? Où se trouve-t-elle ? Aucune réponse, personne pour le savoir, ou plutôt personne ne veut ou n’ose le dire. Depuis le jour où sa jumelle a disparu, Maud a trouvé refuge dans un comportement inexplicable, presque inquiétant : demeurant muette, elle s’enferme dans sa chambre et rédige des lettres à l’absente, et accomplit en quelque sorte un voeu de silence.
Quatorze années passent. Ignace se rend en Pologne, à Oszkina, après qu’il ait reçu une correspondance qui lui révèle la trace de sa sœur disparue. Une longue enquête lui permet de retrouver Else. Cinq ans passent encore. C’est à Seignes, alors que sa mère est entrain de mourir, qu’enfin les événements s’expliquent.
François Emmanuel restitue dans son roman un secret familial que ne se partage pas tous les membres d’un clan. La mère et la grand-mère s’entredéchirent, l’oncle plonge dans la folie. La noirceur de son texte est totale, et paraît être l’esquisse d’une violente réflexion intérieure sur l’obsession causée par le manque, l’absence d’un être aimé, le deuil symbolique ou le réel. On percera donc à jour le fil qui relie La Chambre voisine et un texte court et méconnu de F. Emmanuel, Portement de ma mère, paru début 2001. Comme la chaleur étouffante qui nous draine dans l’entrée du roman, F. Emmanuel manie le double registre de l’ellipse et du mystère, ce mixage favorisant le climat étouffant de son écriture. Et même si François Emmanuel écrit une langue un peu précieuse, sa Chambre voisine modifiera notre existence de lecteur, car voici là un roman qui se mémorisera aisément.
Olivier Pascault
[article publié pour je ne sais plus quelle revue…]
· François Emmanuel, La Chambre voisine, Editions Stock, Paris, 2002, 183 pages (15,55 euros).
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